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Interprétation du drapeau de l’album «civilisation» d’Orelsan

La pochette de l’album « Civilisation », dernier opus de Orelsan, arbore un étonnant drapeau. On en pense quoi chez Cominup ? Notre interprétation du drapeau de la micro-nation rêvée par le rappeur caennais.

Qu’en dit Orelsan ?

Dans un entretien avec Yann Bathes, Orelsan confie à propos du drapeau de la pochette de l’album « Civilisation » qu’il s’agit de d’ « un symbole fort pour représenter que j’allais parler d’autre chose que de moi-même ». Ce drapeau serait celui de sa micro-nation.

L’explication fournie par le rappeur en 2 minutes nous ayant laissé sur notre faim, nous nous sommes creusé la tête. Parce qu’on aime ça.

Qu’en dit Philippe Stark ?

Interrogé sur la pertinence du drapeau en tant qu’étendard d’une nation, le designer émet un avis mitigé, le trouvant « trop complexe pour devenir un grand drapeau, parce qu’un grand drapeau doit être de l’ordre de l’évidence [….] un drapeau ne doit pas s’expliquer, il doit se ressentir ».

Le ressentir : c’est précisément ce que nous avons fait et vous exposons notre vision.

Du coup, on en dit quoi chez Cominup ?

(Dé)composition du drapeau de la pochette de l’album d’Orelsan « Civilisation ». Notre proposition s’articule autour de trois axes :

  • Ergonomie de la structure,
  • Choix et symbolique des couleurs,
  • Le sigle central.
Ergonomie de la structure du drapeau
  • Verticalité : la volonté de s’élever

En règle générale, les drapeaux des nations sont présentés à l’horizontale. Comme un trait d’union entre ciel et terre, le drapeau de « Civilisation » est présenté à la verticale. D’ailleurs, sur le visuel de la pochette, le haut du drapeau rejoint le ciel.

Et si cette verticalité délibérée symbolisait une forte volonté de s’élever ? Nous étayons notre point de vue juste après.

  • Partie haute : l’objectif à atteindre

Orelsan explique qu’avec le vert, il a voulu exprimer le fait que l’écologie devrait être notre priorité absolue. Là-dessus, on est (tous ?) d’accord…

Mais si l’on regarde cela au travers de prisme de la symbolique de « volonté de s’élever », on peut considérer la partie supérieure du drapeau comme l’objectif à atteindre : paix, harmonie avec le vivant, stabilité. Restez avec nous : cette proposition est argumentée dans le paragraphe relatif à la symbolique du vert !

  • Partie centrale : l’équilibre de la symétrie

Des carrés rouges et bleus sont disposés en symétrie de part et d’autre du rectangle noir contenant le sigle. Pour nous, c’est une façon d’exprimer la recherche de l’équilibre, de structuration.

Les carrés rouges et bleus encadrent le rectangle noir occupant le centre du drapeau. Or, par définition, on ne peut pas passer à côté du centre : nous verrons plus loin ce à quoi cela nous renvoie. Attention : nous sommes tous concernés…

  • Partie basse : page blanche collaborative

Le socle, la base, le fondement de la micro-nation, prémisse de la Civilisation naissante. Le damier gris et blanc est celui d’un fichier photoshop vide, comme une page blanche. Tout part de là, tout est à construire.

« J’peux pas le faire tout seul faut qu’tu m’aides ». Orelsan prend le lead : exhortation à une démarche collective. S’approprier la construction d’une civilisation nouvelle. Chacun est invité à contribuer, à créer ex-nihilo ce dont il a envie pour l’avenir.

Mais ce socle, espace de liberté inédite, peut aussi être ressenti quelque peu « écrasé » sous le poids des éléments forts qui reposent dessus. Attention, fragile ?

Choix et Symbolique des couleurs
  • Vert

Le vert symbolise l’écologie, le fait que nous devrions prendre soin de la Terre. Soit. Allons plus loin.

Le vert est la couleur la plus courante dans la nature. Graphiquement parlant, elle exprime la paix, l’harmonie, la stabilité. Ce qui colle parfaitement avec l’emplacement du vert en haut du drapeau : le but à atteindre.

Vous n’êtes pas sans savoir que le vert est la couleur du chakra du cœur (ah bon ?), centre énergétique de l’amour inconditionnel, de l’empathie, de la compassion, du pardon. Encore une fois, le vert est situé dans la partie haute du drapeau — l’objectif à atteindre — : cette analogie prend alors tout son sens.

  • Bleu & rouge

Orelsan explique qu’il est parti des couleurs du drapeau français pour concevoir son étendard. Un brin patriote le rappeur ?

Et puis il y a le clin d’œil de l’artiste à sa ville : « J’ai gardé le rouge et le bleu parce que c’est les couleurs de Caen ».

Couleur du ciel et de l’eau, le bleu revêt une dimension spirituelle, celle de l’immensité. Dans notre civilisation occidentale, le bleu est communément utilisé pour évoquer la science, l’autorité, la dignité, la fierté.

Rouge passion, rouge désir, couleur du danger et de l’interdit, entre flammes de l’enfer et feu sacré. Mais pas que : rouge est la couleur du chakra racine. Centre énergétique associé au mantra lam, il nous relie à la terre. Ancrage, sécurité… Ça parait un poil essentiel pour construire, non ?

  • Blanc

Sur le drapeau français, le bleu et le rouge sont les couleurs de la ville de Paris, le blanc celle de la royauté. Enserrée : le peuple prend le pouvoir. Exit le blanc sur le drapeau de « Civilisation », la royauté — le pouvoir centralisé ? — n’a plus sa place dans l’histoire.

En s’affranchissant du blanc, le drapeau ancre les racines de sa civilisation nouvelle dans une France nouvelle, loin « d’une France passée qu’ils ont fantasmée ».

  • Noir : attention, on élève le débat 😉

Orelsan mentionne que le noir sert à « se rappeler de nos conneries, […] une forme de deuil ». Oui, mais si le noir évoque le deuil, c’est aussi le code couleur du luxe dans la communication commerciale, de la désobéissance et de la rébellion : pirates, anarchistes,… Comme quoi, c’est une question de contexte !

Poussons plus loin : « Tout ce qui existe commence par germer dans l’obscurité avant d’apparaître à la lumière. » Sacré Nietzsche… Associée à la symbolique spirituelle de la mort — une renaissance dans ce contexte —, l’œuvre au noir (ou nuit noire de l’âme) est la première phase du Grand Œuvre alchimique de transmutation de l’ombre en lumière. Tiens, marrant : « Ombre et Lumière » sont les derniers mots du titre « Civilisation », dernier morceau de l’album. Pur hasard ?

Dans notre drapeau, le noir serait donc tout ce qui a été fait, ce à quoi nous n’avons d’autre choix que de faire face. Difficile de faire autrement : c’est au centre. Héritage collectif, amer état des lieux dépeint dans « L’odeur de l’essence » ((regarde),(écoute)), titre pile au centre de l’album, comme le noir est au cœur du drapeau.

Le sigle central
  • C’est une étoile

Le chanteur a « mis une étoile parce que c’est stylé […], et en même temps, on peut faire un vœu, on peut prier». Développons…

Dans l’inconscient collectif, l’étoile est un idéal, un guide. On pense évidemment à l’étoile polaire, à l’étoile de Judée. Pas étonnant que le symbole soit courant sur les drapeaux nationaux (Union Européenne, Vietnam, Australie, Porto Rico, etc.), en héraldique… Et sur le drapeau de « Civilisation ».

  • Et si c’était une croix ?

Oui, parce que finalement, nous sommes à la croisée des chemins. Si le sigle est une croix, alors chaque branche pointe un des 4 éléments de la structure du drapeau :

  • Le socle — ce qui est à créer —,
  • Les carrés en symétrie de part et d’autre — l’équilibre —,
  • L’objectif à atteindre — la paix, l’harmonie avec le vivant —.

La croix est au centre de la partie noire symbolisant notre héritage collectif — « c’qu’on a fait comme on l’a fait mais on l’a fait » — et figure également au centre du drapeau.

La croix est un élément graphique que l’on retrouve dans de nombreuses spiritualités. Dans une lecture ésotérique de la Bible, la crucifixion nous parle d’alignement avec le divin. Ce n’est pas la mort « physique », mais la mort de l’Ego, menant à la résurrection de l’Être dans son essence originelle.

Le sigle du drapeau de « Civilisation » dispose de pointes saillantes. Pourquoi ? Toutes les croix ne présentent pas cette caractéristique. Sur la croix occitane par exemple, les 12 pointes se termine par une boule, comme pour les rendre moins blessantes.

Et sur la croix huguenote, les pointes aux 4 points cardinaux sont tournées vers l’intérieur, induisant l’idée de la recherche en Soi et non pas à l’extérieur de Soi.

Presque guerrière donc la croix d’Orelsan. Et si c’était une arme ?

  • Un shuriken ?

Avouez que ça y ressemble ! Et quand on sait l’attrait du chanteur pour la culture japonaise, ça se tient. Mais c’est un peu léger non ? Creusons…

Arme blanche. Tranchant. Cassure. Et si la raison d’être du shuriken était de tailler dans le vif de l’héritage collectif, de notre part d’ombre — le noir — ? Tailler dans le vif et réorienter l’ombre transmutée en lumière dans les 4 directions. « Bref, faut qu’on brise ce putain d’cercle ». Pour reconstruire.

Pour étayer cette proposition, sachez que depuis le 21 décembre 2021, une version « shuriken » de l’album est disponible.

  • Quoi qu’il en soit…

Nous suggérons que cet élément iconographique « logotypique » va devenir un marqueur visuel de la communication du rappeur. D’ailleurs, c’est déjà le cas puisque que le sigle est au centre du drapeau, au centre du 33 tours et au centre du CD. C’est un élément fondateur de la Civilisation.

Construction du drapeau = construction de l’album « civilisation »

Chez Cominup, nous trouvons un parallèle entre notre interprétation de la construction du drapeau avec l’ordonnancement des titres de l’album.

Dans les premiers morceaux, Orelsan dresse un état des lieux exempt de jugement : voilà où nous en sommes.À partir du titre « Manifeste », on sent que ça change.

Puis « L’odeur de l’essence » annonce la déconstruction : on se prend le shuriken en pleine face.

Vient ensuite la phase de questionnement et de reconstruction.

Et pour finir, le morceau « Civilisation » synthétise tout le processus : l’héritage, le constat, la déconstruction, l’invitation à aller vers quelque chose de plus apaisé.

« Tout s’transforme, rien n’se perd/Ombre et lumière ». Fin du titre, fin de l’album.

Début d’une ère.

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