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Identité visuelle des South Winners, groupe de supporters de l’OM : une prouesse !

À l’instar de Monsieur Jourdain qui fait de la prose sans le savoir, les South Winners, groupe de supporters de l’Olympique de Marseille, ont inconsciemment apporté une réponse digne d’une grande agence à une problématique d’identité visuelle complexe…

Comment sortir du lot quand on est un des nombreux groupes de supporters  ?

L’Olympique de Marseille compte une dizaine de groupes de supporters. Même club, même ville, mêmes valeurs, même passion.

Pour autant, chacun revendique son identité !

Et dès lors que les couleurs du club s’imposent, il faut se démarquer de ses « concurrents » (à Marseille, on dirait plutôt de ses « collègues ») avec la même charte graphique… Et bien sûr, sans accompagnement par des pros de la comm, sans brief, sans feuille de route stratégique. Bref, avec les moyens du bord.

Bon courage les gars…

Ils l’ont fait !

Les South Winners ont bel et bien créé une identité visuelle reconnaissable, identifiable et différenciante. Mieux : ils ont fait évoluer l’identité visuelle de tout l’écosystème du football marseillais.

Le résultat a littéralement dépassé le cadre attendu : en quelques années, cette poignée de fadas a bousculé les codes pour finalement réussir à ancrer une troisième couleur dans l’identité visuelle d’un club de plus de 120 ans.

Chapeau les gars, ça, c’est une véritable prouesse ! Même nous on aurait pas osé en rêver…

Décortiquons l’identité visuelle des South Winners

Groupe de supporters créé en 1987, les South Winners construisent leur identité visuelle dans le temps. Initialement, du bleu, du blanc. Attendu.

Le logo de South Winners : une figure chargée de sens

Au début, ils tâtonnent, ils se cherchent.

D’abord une tête d’Albator. Ce corsaire de l’espace issu de la série manga éponyme des années 80.

Mais le « capitaine au cœur d’or » est vite abandonné au profit de l’aigle. Avec une symbolique associée à la royauté, les South Winners se rendent rapidement compte que l’aigle « vole trop haut » pour une tribune (virage sud) très populaire. Exit le rapace. Va jouer ailleurs…

Dès la fin des années 80 apparait le bulldog. On y est ! Tout comme les South Winners, le bulldog ne lâche rien. Il montre les dents, il est tenace. Et ça, on peut dire que ça leur ressemble : en dépit des intempéries, et même quand l’OM perd 4-0 (si si, ça arrive), ils sont présents et ils chantent inlassablement, parfois même jusqu’à scander leur délicieusement potache « qu’il pleuve qu’il mouille on s’en bat les c*** ». Supporters à la vie à la mort.

À l’instar des South Winners, le bulldog a les pieds sur terre. Adopté le Toutou, depuis plus de 30 ans.

La fameuse couleur orange

Nous y voilà. À la prouesse, à l’exploit totalement fortuit. Mais au fait, elle sort d’où cette couleur orange ?

Ce jour-là, match au Parc des Princes contre le PSG — l’ennemi juré —. « Eux ils ont l’argent, nous on a la passion ». Confrontation sportive et politique : capitale, bureaucratie, pouvoir centralisé, bourgeoisie (Parc des Princes… Ça veut tout dire) v/s province, peuple, caractère bien trempé des Mareillais.

Dans le football, beaucoup de groupes de supporters sont colorés politiquement. Opposition entre les Winners et le KOP de Boulogne et leurs chants fascistes.  À l’époque, c’est la mode du bombers (nostalgie…), un vêtement notamment associé aux skinheads, eux-mêmes ouvertement estampillés extrême droite. Pour montrer leur opposition, les Winners retournent leurs bombers — dont la doublure est orange (vous vous souvenez ?). Et c’est tout un parcage de Marseillais qui se colore en orange, évoquant l’antiracisme, valeur farouchement portée par les South Winners.

Le orange devient la couleur symbolique du groupe et s’ajoute au bleu et au blanc de leur charte originelle.

Mais en réalité, ça va beaucoup, beaucoup plus loin…

La fièvre orange se propage…

Retentissement stupéfiant : contre toute attente, cette « fièvre orange » gagne les cœurs, bien au-delà du groupe de supporters…

Elle s’est imposée dans une tribune

Le virage sud, appelé désormais « le virage orange » en off.

Elle s’est imposée dans un stade

De là faire le lien avec le naming de l’Orange Vélodrome en 2016. Bon, certes, c’est avant tout une histoire de gros sous. Mais quand même…).

Elle s’est imposée dans un club

Pour la première fois dans l’histoire du football, un groupe de supporters fait évoluer la charte graphique d’un grand club.

  • Saison 2011-2012, Adidas sort un maillot third orange avec des touches de bleu, utilisé pour des matchs exceptionnels, type coupe d’Europe.
  • La saison suivante, le maillot est orange avec des touches de noir et il est réversible, clin d’œil au geste symbolique des Winners s’opposant au KOP de Boulogne. Ça donne des frissons non ?
Enfin, elle s’est s’imposée dans une ville

La couleur orange est reconnue par les Marseillais. Le rappeur Akehnaton, MC du groupe IAM, est invité à collaborer à la réalisation du maillot : « Il y a vraiment un concept ficelé autour du maillot. On ne pouvait pas choisir une autre couleur que le orange parce que c’est à la fois porteur de valeurs [NDLR : l’antiracisme] et ce sont les couleurs de Marseille la nuit. »

Le rappeur marseillais va même plus loin avec le titre « Lumière Orange », dont les vers figurent sur le maillot third : «On porte l’azur sur nos épaules comme une seconde peau / Nos cœurs sont oranges* comme au couchant sont les flots ». Composé en l’honneur des supporters, mais aussi de la ville. Et c’est un hymne résolument antiraciste.

Et le plus fort…

Cette prouesse sans précédent, les South Winners l’ont réalisée sans équipe de comm, sans chargé de marketing, sans spécialiste de l’identité visuelle.

Mais au fait, pourquoi on vous parle de ça ?

Si nous nous sommes penchés sur cette question, c’est parce que nous voulions montrer qu’une identité visuelle, ça ne fonctionne pas uniquement parce que c’est esthétique, moderne, élégant, équilibré.

La question, pour une identité visuelle, ce n’est pas de « l’aimer », mais de comprendre qu’elle nous représente aux yeux de tous.

Et ça marche quand…

Ça a du sens ;

Ça s’installe durablement dans le temps ;

Ça s’impose naturellement ;

Ça colle aux valeurs ;

Et quand l’histoire est authentique.

* « oranges » écrit avec un « s » a fait couler beaucoup d’encre. Mais ce n’est pas le sujet du jour…

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