Pour exister aux yeux des fans, une équipe de foot peut gagner des titres, bénéficier d’un fervent soutien local, miser sur le culte de ses célébrités « achetées » des fortunes. Pourtant, ce club italien de seconde zone fait une arrivée fracassante sur le devant de la scène grâce à une tout autre approche inédite : une communication d’avant-garde.
En quelques mois seulement, le Venezia FC devient une marque iconique
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le club de foot vénitien ne marque pas l’histoire du football italien par ses performances sportives. Depuis sa création en 1907, il évolue en séries B et C (Ligue 2 et National) du championnat italien. Et c’est presque miraculeusement qu’en 2021, il se hisse en série A.
Son budget modeste ne lui permet pas d’aligner les stars sur le terrain. Pourtant, en quelques mois, le Venezia FC devient le club le plus hype de la galaxie du calcio, là où les autres grandes équipes ont mis des décennies à construire leur notoriété et leur fanbase. À force de coupes, de sueur et de gros billets.
Le phénomène Venezia FC est tel qu’à peine réapprovisionnés en boutiques et eboutiques, le maillot est très vite en rupture de stock. Et il touche aussi bien les amateurs de football que les fashionistas. Ça, c’est une première mondiale.
Comment s’y sont-ils pris ?
La recette miracle du Venezia FC repose sur une communication d’avant-garde digne des plus grandes marques mode et lifestyle, avec des choix esthétiques en rupture avec les codes habituels dans le monde du foot.
Les fondements de la nouvelle identité de marque du Venezia FC
Elle est construite sur de solides fondations, alliant savamment la noblesse de « matériaux d’antan » et la contemporanéité d’un design très actuel.
- Héritage, histoire et territoires
La direction du club mise à fond sur une identité « italienne assumée », avec des références à une histoire riche. Mais aussi à la nostalgie des années 90, âge d’or du football italien. Et bien entendu, le club s’appuie sur l’aura de la ville de Vénise qui fascine le monde entier.
- Entre Gucci, Vogue et Versace
Sérieusement, vous mettriez une tenue de supporter l’OM pour aller en rendez-vous client ? Même nous, on n’oserait pas !
Pour la première fois dans l’histoire du sport, les produits dérivés d’un club dépassent l’entre-soi des supporters et les tribunes des stades pour gagner du terrain chez les passionnés de mode. Et pour cause : le club calque sa nouvelle identité visuelle et toute sa communication sur celles des plus grandes marques et magazines de mode.
Venezia FC devient une grande marque de mode à part entière.
Or, toutes les grandes marques possèdent une identité visuelle basée sur un logotype. Et sur ce point, le club fait très très fort…
Le logo : une symbolique riche, épurée et en rupture avec les codes du football
Conserver les codes du foot, le traditionnel écusson trop stéréotypé « club de foot » ? Pas question. Allez ouste ! Va jouer au ballon !
Ça, c’est fait. Et maintenant ?
- Des notions fortes en quelques traits
On pourrait penser que plus un logo est alambiqué, plus il véhicule de notions. C’est faux : plus le design est épuré, précis, plus un logo gagne en lisibilité.
Nous avons ici un modèle du genre : ce nouveau logo est éminemment plus stylisé, pourtant, il contient plus de messages.
- Vénitienne et rugissante
Depuis plus d’un siècle, le lion de Saint Marc – dont la statue dorée à l’or fin trône sur la célébrissime place vénitienne – plastronne au centre du logo. Dans la nouvelle version, l’évangélique félin est sacrément relooké. Et ça claque. Il est vif, aux aguets, imposant. L’adversaire n’a qu’à bien se tenir : Venise est magique.
Et d’ailleurs, à Venise, on circule en ?… En gondole ! (Gagné). Attendez, on a déjà un lion – ailé qui plus est –, on ne va pas rajouter une gondole en plus ? On va se gêner… La partie de droite du logo symbolise à la fois le félidé et l’avant d’une gondole. Et ce, sans nuire à l’esthétique et à la lisibilité de l’ensemble.
Vous, on ne sait pas, mais nous, ça nous laisse pantois.
- Orange, vert et…
Naturellement, le designer compose avec les couleurs du club. Mais exit les sempiternels liserés. L’orange et le vert coiffent la composition avec élégance, lui donnant un air de drapeau.
Et pour le volet « identité italienne assumée » (Attention, ce qui suit flirte délibérément avec le cliché), allons-y franco : c’est le grand retour de l’or sur le logo.
C’est bling-bling ? Oui, mais pas seulement ! Sur des versions précédentes du logo, le lion ailé était déjà couleur or, comme sur le logo de la ville de Venise. Réalignement avec l’héritage du club dans sa ville.
Une Identité visuelle résolument lifestyle, discrètement football
La nouvelle identité visuelle et toute la communication s’inspirent des plus grandes marques et magazines de mode. Le design et l’assortiment des produits sont pensés comme une collection. Une réflexion à l’opposé de ce que font tous les autres clubs sportifs.
I Lagunari (les habitants de la lagune) s’affranchissent du style populaire, très street. Ici, c’est stylé, actuel. Et parce que le club est résolu à séduire bien au-delà de son groupe de supporters, le bob l’écharpe ou le parapluie se portent à la ville et sans complexe.
- Le bob ?… Et la casquette alors ?
- Mais puisqu’on vous dit qu’ils font l’opposé de ce que font les autres !
Le maillot : tout sauf un maillot
Un maillot de supporter obéit à 2 règles :
- Une matière technique, une coupe près du corps. Pas franchement dernier cri.
- Le logo du sponsor est placardé au centre. Pas franchement élégant.
Résultat : pas franchement facile à porter en dehors des tribunes…
Le nouveau maillot – qualifié d’œuvre d’art par certains – est loin des standards. Les choix esthétiques forts font les nouvelles règles du jeu :
- Une coupe « polo », un petit col et des boutons,
- La couleur or, à la fois présente et discrète,
- Les typos massives, épaisses laissent la place à une typo fine avec empattements, un poil vintage, et qui n’est pas sans évoquer l’Italie de l’Antiquité.
Bref, c’est beau.
Et en délaissant le prestige de Nike pour l’équipementier italien Kapa, il envoie un signal fort aux tifosi.
Le Kit des supporters fashionistas
Transgression insolente. Notamment par le choix de la typographie « castello ». Et elle sort d’où cette typo ? D’une affiche art déco dessinée par l’artiste italienne Emma Bonazzi en 1921. Art, ancrage, histoire, territoire…
Mais accrochez-vous bien : la signature est si puissante – à la fois identifiable et élégante – que sur ces accessoires ne figure même pas le logo du club. Sincèrement, ils sont pas fous ces Vénitiens ?
Instagram : un feed digne d’un grand magazine de mode
Au Venezia FC, on n’a pas de stars sur le terrain pour faire la promo. On s’en fout : on a des mannequins. Hommes et femmes qui plus est. What ?! Je rêve…
Mais, dites-moi : on ne parle jamais football ? Si, bien sûr : matchs, résultats, composition des équipes… Mais en mode « jeux du cirque » (parce qu’en plus d’avoir du goût, ils ont de l’humour). Bon, ne vous attendez tout de même pas à croiser des gladiateurs en jupette. La direction artistique est – encore une fois – élégante, soignée, esthétique avant tout.
Conclusion : l’esthétique c’est pas que pour faire joli
En misant tout sur des choix esthétiques audacieux et la rupture avec les codes établis, le Venezia FC réussit à devenir une vraie marque de mode iconique. Son aura dépasse désormais largement le cercle des supporters du club. Le tout en quelques mois seulement et sans compter, à l’inverse des grands clubs, sur un budget mirobolant.
Au-delà des critères esthétiques empruntés au monde la mode, la force de cette nouvelle identité visuelle repose sur des fondations solides : ancrage dans l’histoire et le territoire, une identité italienne assumée, la nostalgie de « l’âge d’or » du football italien.
Il est peu probable que vous ayez un jour à relever un tel pari pour un club de sport (quoi que…). Mais ce qui est certain, c’est que le Venezia FC fait une éclatante démonstration : investir dans l’identité visuelle peut faire basculer le destin d’une marque.
Que ce soit celle d’un club, d’un site ecommerce ou d’une PME.
